Le blanc cassé du papier Silberburg, fabriqué à la main en Inde, accueille l’œil, flatte le toucher de son élégance bouffante. Sans capitales, pour « chauler / le souvenir », les mots de Laurent Fels s’étirent en hauteur : un, deux, tout au plus trois par vers, petites ancres de noir sur la page majoritairement blanche, ils matérialisent cette « réalité / palimpseste » qu’on est tenté de découvrir par transparence en présentant le livre à la lumière. Quelques feuillets seulement, une poésie économe qui se marie avec la réalisation soignée, manuelle, limitée en nombre des éditions luxembourgeoises Estuaires, cornaquées par le poète René Welter.

Le discours — puisqu’il s’agit ici du dire, qui parfois conduit à la perte — est lucide, franc ; et comme il revêt la forme d’un recueil de poésie singulier dans sa forme, à la discrétion éditoriale revendiquée, c’est que tout n’est pas perdu. Citer plus de strophes serait en dévoiler trop, car le texte se développe sur huit petites pages. Mais tout autant que le plaisir des mots, ce microrecueil dispense le plaisir de l’objet.

Laurent Fels, Où dire est perdre, éditions Estuaires. Édition limitée à dix exemplaires signés par le poète, livre disponible auprès de l’éditeur (D’Ailleurs poésie fera suivre).

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Florent Toniello, né en 1972 à Lyon, est le responsable de ce site, membre du comité de D’Ailleurs poésie. Il commence une première vie dans l’informatique au sein d’une société transnationale, à Bruxelles et ailleurs. En 2012, il s’installe dans la capitale grand-ducale ; sa deuxième vie l’y fait correcteur, journaliste culturel et poète. S’ensuivent neuf recueils de poésie publiés au Luxembourg, en Belgique et en France, une pièce de théâtre jouée au Théâtre ouvert Luxembourg, ainsi qu’un roman et un recueil de nouvelles de science-fiction. Pour l’instant, il n’est pas question d’une troisième vie. Son site : accrocstich.es.