Anna Jouy était une voix indispensable du site depuis son lancement, qui récemment faisait découvrir plusieurs fois par mois, avec un enthousiasme communicatif, la poésie suisse romande. Elle était également une poétesse délicate, ciselant des vers et des phrases avec une précision sensible, montrant ses écorchures, ses doutes, mais aussi ses convictions et ses émerveillements. Plus encore, elle était d’une générosité sans pareille, soutenant, souvent dans l’ombre, ses frères et sœurs en écriture, encourageant, partageant son opinion sans compter et sans rationner son temps pour les autres.

Anna est partie le samedi 5 avril 2025 à midi. Elle nous manque déjà énormément. Restent ses écrits, que nous vous invitons à lire — dans ses livres, mais aussi sur son site —, et que nous évoquerons encore. Restent ses articles sur D’Ailleurs poésie, que nous vous invitons à parcourir. Ses magnifiques lectures aussi, sur notre précédent site archivé. Nous pensons à elle et à sa famille, et, comme elle avait coutume de l’écrire, restons « en route ». En route sur les chemins de la poésie, qu’elle a arpentés de si belle manière. Merci de tout cœur, chère Anna, et bonne route !


C’est l’heure de la pesée du ciel. Vingt grammes de moineau pour des tonnes d’averses. Je m’y prends ainsi : dans le noir de mon œil, je mets le leurre d’un rêve. Le ciel appâté entre sous les paupières. Je referme aussitôt, je serre le lacet. Ça me fait deux valises pesantes.

Le reste est affaire de soustractions. Parfois par malice, je ne me déduis pas. Je feinte le nuage.

J’appelle ça un jour d’humain, c’est-à-dire de Terre à terre, de ce corps de sable à ce jardin immense.

Vingt grammes de moineau s’échappent quand même…

*

Il faut que le chemin soit long, que je doive le dépasser, crochetée de bornes.

Langueur de pierres à fontaine, rampe de mousses, tissu

Une mèche à briquet entre les doigts, un filament.

Que dans ce noir bourrelé de rêves, de halètements, d’yeux grands ouverts

Je tâte, touche la chair du vivre et que ne m’échappe cette pluie des sèves.

Extraits d’Une pesée de ciels, éditions Alcyone, 2018

Florent Toniello, né en 1972 à Lyon, est le responsable de ce site, membre du comité de D’Ailleurs poésie. Il commence une première vie dans l’informatique au sein d’une société transnationale, à Bruxelles et ailleurs. En 2012, il s’installe dans la capitale grand-ducale ; sa deuxième vie l’y fait correcteur, journaliste culturel et poète. S’ensuivent neuf recueils de poésie publiés au Luxembourg, en Belgique et en France, une pièce de théâtre jouée au Théâtre ouvert Luxembourg, ainsi qu’un roman et un recueil de nouvelles de science-fiction. Pour l’instant, il n’est pas question d’une troisième vie. Son site : accrocstich.es.