Cher Voyageur,

Comment te parler ? J’imagine… Comme à un personnage. Je. Tu Baladeur. Promeneur. Visiteur. Anthropologue ? Beat Poète !!

Je t’imagine avec des yeux ronds. Tout plissés. Te promenant. Sur la terre. À la rencontre. De beaucoup de gens. Et plus simples, des plus pauvres. Comme d’autres. Riches de mots. Tu regardes, tu déposes. Comme les cendres laissées sur le sable par une caravane de gitan. Puis j’arrive à Prague. Pour y rencontrer ce découpeur de verre. Et puis Franz Kafka. Et ensuite tu m’entraînes en Amérique du Nord. La montagne de la superstition dans le désert de Sonora. Tu me fais découvrir un pingouin… Petit Capitaine Cook. Et tu dis voyager léger. Agréable odeur d’oursins et de patates douces. Autour de bois flottés qui brûlent. Une nuit orageuse de printemps. En mer de Chine orientale. Sur la plage d’une minuscule île. Je me retrouve assis dans une grotte avec une centaine de crânes humains morts de la variole. Il y a 300 ans. Une à une. J’écoute leurs histoires. Tout au long de la nuit. Comme l’aube rose s’étire. L’un d’eux marmonne. Pour voyager léger, pourquoi ne pas laisser ton crâne ici ?

Tu es comme la sagesse dans la besace d’un grand primitif ou peut-être le contraire :  un grand primitif dans la besace d’un sage. En te suivant, tu secoues mes certitudes, mes idées, mes convenances. Je comprends qu’encore tant de possibles dans les mots… l’infinité. Mais Aller léger…

Un livre merveilleux de gaieté, sourire étincelant, mystérieux, fascinant.

Nanao Sakaki, Aller léger, traduction : Jérôme Dumont, préface : Gary Snyder, éditions Héros-Limite, Genève.