Le festival bilingue du 19 septembre dernier a été l’occasion d’une belle fête où poésie, musique et bonne humeur ont fait bon ménage pour toutes les générations, et en bien plus de langues que le français et l’anglais. Petit retour sur cet événement après les présentations précédentes, avec quelques poèmes lus à cette occasion par la fondatrice de dailleurspoesie.com et le responsable du site.

Valérie Harkness vient de France, pays qu’elle quitte pour rejoindre John, enseignant-artiste écossais. Ils s’installent dans le nord de l’Angleterre, à Leeds. Ils aiment les randonnées à pied, à vélo, les couleurs du ciel du nord et de l’ouest de l’Écosse.

Valérie est enseignante et écrivaine. Elle met en place une Alliance française à Leeds et la gère quelques années. Elle aime les langues, les apprendre, les enseigner, les traduire. Elle offre des formations sur l’enseignement des langues au Royaume-Uni et ailleurs.

Elle s’intéresse aussi à l’art, à la poésie, à la philosophie et à la musique si bien qu’elle met en place le festival de poésie et musique bilingue à Leeds. Elle écrit de la poésie en français et des nouvelles en anglais, participe à des anthologies et des lectures et offre des ateliers d’écriture.

Un premier poème en français :

Vélotage
 
Moi véloiste, je vélote
 
Les sentiers déroulent les minutes et leur sable
 
Collé
(Pour un temps seulement)
Sur les roues
 
Je fais du léger et du lourd
 
À tout sable, son âme
À toute âme, son passage
Et son temps
 
Le vélo a mémoire
 
Grave dessus
Grave dessus
Mes roues sont des joues qui respirent
 
Suffit un tour
Et encore
 
Suffit une seconde
 
Le frottement indolore
(mais qui sait ? Ne dit quasiment rien…)
Inaudibles balbutiements
 
Secrets dans les fossés
Se prélassent
Ambitions dans un nid ou dans une rigole
 
Œuvre de perfection
Et poème impossible
 
Sur l’ amour survivant à ce dernier soupir
Qui à l’aube
Lacère le cœur
 
Ou faudrait-il un autre tour ?
 
Avant ou après la minute et son sable
 
Je vélote les poussières,
Les fais voler
Qui percent le squelette du vélo,
Qui traversent le mien
(je suis de rive en rive)
Circulent dans mes veines
Me bouleversent
 
Je vélote
Je rivière
Je fais du léger et du lourd.

Une belle ambiance pour ce cinquième événement bilingue. Photo : Céline Delayer

Un second en anglais :

Memory
 
I pull on knots
I unravel
and
I forget
And I pull
I think
You
Caught me in the hidden depths Of your blue wave-like eyes Caught the swirls Of the checks Of my red and black skirt and the curls Of my hair its auburn tint trapped in the wake of Your autumn gaze We caught a crush like a persistent Cold We tried to shake but were Soothed by those curves of the Voice which told true Stories The blue one like the dEEp dEEp sea ( which knows before we do ) and The blue Of your Thoughts wrapped me in an eternal Cloud Which I wear in layers Of cotton and blankets and skirts And checks piling up like the Dream Years we had and we no longer have, mixed in with greyish mist and folds
Even Now
We are Caught in Our folds
Now Your Depth has Reached Impossibility.

Florent Toniello, né en 1972 à Lyon, commence une première vie dans l’informatique au sein d’une société transnationale, à Bruxelles et ailleurs. En 2012, il s’installe dans la capitale grand-ducale ; sa deuxième vie l’y fait correcteur, journaliste culturel et poète. S’ensuivent huit recueils de poésie publiés au Luxembourg, en Belgique et en France (bientôt neuf, d’ailleurs), une pièce de théâtre jouée au Théâtre ouvert Luxembourg, ainsi qu’un roman et un recueil de nouvelles de science-fiction. Pour l’instant, il n’est pas question d’une troisième vie.

Un poème en français :

poème-minute, c’est son nom
trop dur lorsqu’il surgit
pendant la cuisson d’un œuf à la coque
encore cru s’il naît en flashes
d’une bouffée de cigarette
 
poème-minute entre deux stations de métro
rimaillé à la va-vite après l’amour
combien de vers n’a-t-on pas conçus
ainsi sur l’oreiller trempé de sueur
poèmes-minute reproductifs
 
poème-minute au parc parmi
les jonquilles et les crottes de chien
sur le banc mouillé où si l’on s’attarde
on aura les fesses mouillées alors
on versifie l’inconfortable
 
poème-minute et demie au son
des cloches qui appellent à la messe
où l’on ne se rend évidemment pas
puisque la poésie déjà est un sacerdoce
et qu’on ne va pas quand même
 
faire vœu de chasteté poème-minute
aux toilettes du restaurant lorsque
la nourriture indienne épicée commence
à faire son effet inéluctable
déversement de mots incontrôlable
 
poème-minute dans une chambre noire
entre deux baisers échangés au goût
révélateur qui fixe les métaphores
dans une file d’attente où manque toujours
le moyen d’en préserver la fraîcheur
 
poème-minute à la roulotte
au son des vitres brisées et des
sirènes de police dans l’obscurité
grain de peau entraperçu
au hasard d’une fenêtre ouverte
 
poème-minute comme un instant
de dimensions inimaginables
au son des gazouillis et des
cancanements poème-minute improvisé
au hasard d’un évier bouché
 
poème-minute enfin borné
par le temps qui passe et qui
ne peut continuer plus avant
car sa crudité n’appartient pas
à un recueil poussiéreux

Et sa traduction en anglais (par Anna Leader) :

they call it a minute-poem
when it emerges too-hard
while an egg is boiling
still raw if it’s born in the flash
of a drag from a cigarette
 
minute-poem between two subway stops
rhymed hastily after love
how many verses have been conceived
this way, on sweat-soaked pillows,
procreative minute-poems
 
minute-poem at the park between
daffodils and dog turds
on the damp bench where if you dawdle
your behind will get damp too so
you turn discomfort into verse
 
minute-and-a-half-poem to the sound
of the bells that call us to mass
which of course you’ll be missing
since poetry is already a sacred calling
and besides you’d never
 
take a vow of chastity minute-poem
in the restaurant toilet when
the inevitable fallout begins
from the spicy indian food
uncontrollable spilling of words
 
minute-poem in a dark room
between two swapped kisses tasting
of revelations that hold metaphors
in a queue where there is never
a way to keep them fresh
 
caravan minute-poem
to the sound of smashed glass and
police sirens in the dark
skin glimpsed by chance
through an open window
 
minute-poem like a moment
of unfathomable scope
the sound of chirping and
quacking minute-poem
improvised from a clogged sink
 
minute-poem finally delimited
by the time which passes and
cannot continue forward
as its rawness does not belong
to a dusty collection

Vivement l’année prochaine pour un prochain événement !

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Florent Toniello

Florent Toniello, né en 1972 à Lyon, est le responsable de ce site, membre du comité de D’Ailleurs poésie. Il commence une première vie dans l’informatique au sein d’une société transnationale, à Bruxelles et ailleurs. En 2012, il s’installe dans la capitale grand-ducale ; sa deuxième vie l’y fait correcteur, journaliste culturel et poète. S’ensuivent huit recueils de poésie publiés au Luxembourg, en Belgique et en France, une pièce de théâtre jouée au Théâtre ouvert Luxembourg, ainsi qu’un roman et un recueil de nouvelles de science-fiction. Pour l’instant, il n’est pas question d’une troisième vie. Son site : accrocstich.es.