Ushuaia

La fuite s’est arrêtée,
Plus de route, plus d’espoir, plus de temps.

La complainte des lengas suppliciés par le vent
Colore de spleen les ombres du Levant.
Je jette à la mer les morceaux de passé.
Ils iront s’échouer dans le triste estuaire de Rio Gallegos
Ou franchiront le cap Horn vers l’Antarctique.

Les cormorans les escorteront
Par-delà cet inquiétant horizon
Qui submerge mes latitudes.

*

Un adieu

J’ai marché jusqu’à l’océan
Par des rues malodorantes

          Sur le trottoir, le sable

Je l’ai aperçu derrière un mur qui disait :
« Cette parcelle n’est pas à vendre »

Trois Chinois parlaient fort
Et des femmes jouaient au baby-foot
          En riant

Sans les pavés, la plage

C’était mon dernier coucher de soleil ponténégrin
Mais le soleil a été gommé par le ciel laiteux
Les lumières se sont éteintes

          Et il n’est resté

Qu’un peu de fard fuchsia sur la nuit
Mes pieds dans le sable violet
Ma bouteille de bière sur l’horizon

Ma nostalgie déjà enfuie.

*

Premier sang

Au premier sang de ma fille
Ma peau a pris le pli des dunes

Ensemble,
Le khôl et le fer
Ont asséché le désert

Le sable et le sel
Ont inondé le ciel

J’ai serré fort ma fille contre moi
Comme si je pouvais la préserver
Des Fleurs

Empoisonnées.

Ushuaia, Argentine, 2006. Photo : Marianne Duriez

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Marianne Duriez (alias Alba del Mar) a une âme de nomade et la littérature au cœur. Elle appartient au cercle littéraire des Têtes brûlées. Après plusieurs années au Congo, elle vit actuellement à Madrid. Ses textes sont publiés dans diverses revues de poésie.