Et c’est le soir à nouveau
les étoiles si loin un frottement d’ailes
que reste-t-il du jour
quel horizon pour arriver jusqu’à demain
la nuit est neutre comme le mot seul
tout s’apaise dans la lumière absente
toutes choses claires imaginées
une parole plus pure choisie
nos corps
à recoudre les déchirures les heurts
dans le murmure étrange du feu éteint
nous avons charge d’avenir
à contre-jour dans la phrase vide
chacun pour soi s’épuise

***

Tu n’as pas été fait pour l’amour
pour la plainte le corps dégradé
le mensonge des mots
mais pour l’éternel de toute finitude
à l’avant du monde derrière les mots
sur les pierres sèches et brillantes
les fleurs restes des fleurs non des fruits
ce qui se déchire est l’instant retenu
si fragile la rose d’hiver
a laissé des regrets hors elle-même
nous irons de mot en mot déganter l’avenir
par-dessus le monde et la flamme vive
à n’aimer que l’amour

***

Vois toutes choses
portées court sur les chemins
le ciel aux abois nos lèvres
ce que nous devons être
l’instant privilégié
la pluie sous le soleil
nos cœurs à se donner
mais déjà le vent tourne
qui es-tu qui suis-je
parmi les ombres foulées

***

Et sombres étaient
les restes de voix
l’appétit de nos bouche contrarié
mais ceux qui savent ce jour
ne disent rien
à l’affût d’herbes sèches
même d’un verre vide
les doigts tendus
vers des échos lointains
et le jour passe
rien n’est prévu pour demain
que désirons-nous
par-delà le temps
par-delà toute parole

***

Reviens
pour écouter seulement
pousser du pied
l’attente l’ombre nouvelle
si vaste ce jour
que tes yeux refusent
comme tard encore le même bruit
d’un corps heurté ici et là
toute chose s’achève désespérée
dans la même flaque
si brève

***

Vois chaque chose s’appesantir
et tourner court
déjà l’été se fane ne nous retient
de notre chambre l’appel
une inquiétude monte
que nos pieds nus vont fouler
ne cessons pas
tous les signes s’embrasent clairs
haut contre les murs
la sérénité de nos mémoires

Dominique Neuforge, « Sans titre », 29 × 29 cm, 2020. Acrylique sur papier. Peinture parue dans le livre d’artistes « Chemins » au Taillis Pré.

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Jean-Marie Corbusier

Poète et critique, rédacteur en chef du Journal des poètes, Jean-Marie Corbusier participe aussi à d’autres revues. Beaucoup de titres parus au Taillis Pré, dont les derniers sont : De but en blanc, Ordonnance du réel, À ras. Un autre également à La lettre volée : Comme une neige d’avril. Plusieurs livres d’artistes ont été publiés, tous illustrés par Dominique Neuforge, son épouse, artiste peintre : Ouvrir le quotidien, Chemins, Confidences et Breizh en partage. Il faut y ajouter un essais sur Georges Perros : Un pas en avant de la mort, édité par Recours au poème (livre numérique).

Pour Jean-Marie Corbusier, la poésie met la langue dans un état critique, la poésie cherche à savoir et pour cela elle cherche à dire. Ce ne peut être que celui d’un sujet singulier qui porte la langue d’une façon qui lui est propre. La poésie est une force qui va par et pour elle-même dans une lecture où chacun l’invente, cette part individuelle est la force du poème, son degré de vérité.