Ventre encerclé comme un fût en dilatation
ce vin a bu mon enfant
ce chêne l’a mangé à ravines d’écorces

Qui porte mes hanches ?
Pour qui bondissent mes cuisses ?

Gravide d’un dieu-caprice. Au terme
de la palingénésie — Éros ennuyé

Je distingue enfin mon planisphère
marqué à feu sur ton épaule

                         J’apprends à être.
Rien que la curiosité de Psyché

**

Temps d’obéir au désamour crucifié

lorsque le sol s’ouvre
La terre dé-tremblera-t-elle ?

Ah mélange docile entre les mains
de la sainte amnésie. Elle est en tendresse
avec une fileuse de l’invisible velours

Tu me remets une pelure — ta mémoire,
elle est en déportation de la trajectoire lactée
Un téton délie tes lèvres

**

Effusions naissante
du jour où ta mère oublia le nombre de ses enfants
dans son ventre

Par le bas de son jupon
elle les compta entre les doigts de sa droite
au sein défait

Aspirée par de nouveaux lexiques
elle apprit aux feuilles mortes que tu y étais tombée
par erreur de calcul

**

J’ai circonscrit le tournis-incarnat
de ton exhortation
pour le suicide
aux voyelles imminentes de l’arrondir

Tu tiens à la volupté hors-mers
à la vocalique de l’eau / ô-o-o
au ceinturage de l’accouchée

Le passé te lange. Dans sa poudre
de meule dormante

**

L’aumône va-t-elle tomber ?
la contorsionniste dérange
le peuple rangé dans le wagon à la verticale

         C’est la seule qui bouge entre eux
         aux jambes pliées en arrière
         aux mains prêtes à saigner

Statuette vivante / elle dégringole sur le quai
à pattes de sphinge sortie de son mythe
le soir, ose-t-il la métamorphoser ?      en louve ? en louve

Qu’elle disparaisse du métro la culpabilité avec
dans l’une de ses quatre claquettes : deux en satin
pour les membres inférieurs en fuchsia à pompons

En moi / ce tronc d’humaine — une dissemblable
aux jambes détrônées soumises en deux,
chevelure entortillée yeux affamés bouche entrouverte

Déité agenouillée à l’entrée du wagon
devant une fille qui surveille sa propre pédicure criarde
entre les stations Monplaisir et Sans souci

« Fruit interdit/Forbidden Fruit », Doïna Vieru, huile sur toile, 20 × 20 cm, 2022, collection de l’artiste, Paris. www.doinavieru.com

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

4 + quatre =

Luminitza C. Tigirlas

Luminitza C. Tigirlas, d’origine roumaine, née en Moldova orientale, est une survivante de l’assimilation linguistique dans l’URSS. Poète et écrivaine de langue française, membre de la M-é-l, docteure en psychopathologie et psychanalyse de l’université Paris-Diderot (Paris-VII), psychanalyste trilingue à Montpellier. Elle a publié sa poésie en recueils, dont Le Dernier Cerceau ardent (éditions du Cygne, 2023), Eau prisonnière (Jacques André éditeur, 2022), Par l’aiguille du sel (éditions du Cygne, 2021), Ici à nous perdre (éditions du Cygne, 2019), Nuage lenticulaire (Encres vives, 2019), Foherion (extraits, anthologie Triages/Tarabuste, 2019), Noyer au rêve (éditions du Cygne, 2018), en anthologies et dans plus de vingt revues. Auteure d’essais littéraires, comme Fileuse de l’invisible — Marina Tsvetaeva (éditions de Corlevour, 2019), Avec Lucian Blaga, poète de l’autre mémoire (éditions du Cygne, 2019), Rilke-poème. Élancé dans l’asphère (L’Harmattan, 2017), ainsi que de fiction : Le Pli des leurres (Z4 éditions, 2020). On peut la retrouver sur luminitzatigirlas.eklablog.com ou luminitzatigirlas.com.