Cette année, je me propose de continuer mon incursion (amicale et chaleureuse) dans le paysage poétique du nord de l’Angleterre, parce que ce qui me touche le plus ici, c’est qu’il fait beau et gris à la fois. Il y a matière à créer un climat de nostalgie joyeuse…

Peu s’en est fallu que je commence par présenter (il serait impossible et malvenu de le contourner) de la façon la plus traditionnelle possible Simon Armitage, poète lauréat, né dans le Yorkshire et exerçant sa passion poétique à l’université de Leeds. Et puis, suite à ma traversée d’un poème qui éclaira en moi tout un paysage passé d’ici et d’ailleurs, je changeai d’avis.

Je ne parlerai donc pas immédiatement de la vie et de l’œuvre de Simon Armitage, j’offrirai plutôt un de ses poèmes intitulé Camera Obscura (2015) qui montre avec tendresse, humilité et une grande pudeur que les mots sont lumière. Les souvenirs affluent dans ce court poème, touchant de simplicité comme le regard d’un enfant de huit ans :

Eight-year-old sitting in Bramhall’s field,
shoes scuffed from kicking a stone,
 
Huit ans, assis dans le pré de Bramhall,
chaussures râpées à force de coups de pied sur une pierre,

Et ces vers qui ne manquent pas de bouleverser, d’autant que l’image de la mère qui y figure disparaît à la fin du texte :

You’ve spied your mother down in the village
crossing the street, purse in her fist.
 
Tu as aperçu ta mère en bas dans le village
traversant la rue, porte-monnaie au poing.
 
How warm must she be in that winter coat?

On note le double sens de « How warm », qui signifie « comme elle doit avoir chaud dans son manteau d’hiver », mais aussi « est-elle au chaud ? »…

Et à la fin, comme plus on s’approche des choses, plus elles nous échappent, la mère cesse d’exister :

On Old Mount Road the nearer she gets
the smaller she shrinks, until you reach out
to carry her home on the flat of your hand
or your fingertip, and she doesn’t exist.
 
Rue Old Mount, plus elle s’approche
plus elle rétrécit, jusqu’au point où tu tends le bras
pour la porter jusqu’à la maison sur le dos de la main
ou du bout du doigt, et elle n’existe pas.

Photo : Paul Hudson, CC BY 2.0

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Valérie Harkness est la fondatrice du site D’Ailleurs poésie. Pédagogue, traductrice, tisseuse de liens multiples entre les cultures, notamment britannique et française, elle a porté sa passion de la langue dans de nombreux recueils parus entre autres aux éditions Rhubarbe, Jacques André, du Petit Véhicule ou Henry.